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Je ne connais pas de témoignage de gens de ma génération,écrit ou romancé de cette période post soixante-huitarde durant laquelle tous les camps s'affrontaient, que ce soit en famille ou à l'école.
C'est pourtant cette génération qui détient les pouvoirs aujourd'hui, ayant longtemps observé ce que ses aînés avaient fait ou défait, ayant à réparer, à apprendre et à comprendre les pourquoi du comment, ayant à ressentir ce qu'elle n'a pas directement vécu et ayant à recoller les pots cassés et je pourrais continuer la liste...mais aussi ayant pleinement profité d'une volonté de faire mieux, de faire libre, sans double morale, de faire plus égalitaire, plus juste, bref de faire un monde meilleur....
1972. Me voilà donc en cinquième. Du changement dans l'emploi du temps: Initiation au latin et musique. De nouveaux profs dans pratiquement toutes les matières, sauf en français. Nous lisons "le lion" de Kessel, entrons dans le Moyen-âge en histoire et écoutons avec ce même prof que nous avions aussi en musique une chanson appelée "Nuit et brouillard". Elle s'avère être LE détonateur qui me fit sortir de l'enfance, moi et d'autres bien sûr. Grâce à ce jeune prof d'espagnol, reconverti pour quelque temps en prof d'histoire et de musique, nous découvrions en l'espace de quelques heures les horreurs de la déportation.
En anglais "like a bridge over troubled water", mais ce sont les cours de latin qui sont restés encrés à tout jamais. Le prof M. Po., originaire de Corse, la cinquantaine grisonnante et bronzée était célèbre dans l'établissement pour pouvoir grimper à la corde en équerre à la seule force de ses bras.
Ce n'est pas ce record qui m'interloqua à l'époque, mais plutôt ses méthodes, on ne peut plus musclées, pour faire rentrer le "rosa, rosa, rosam" dans la tête de mes condisciples récalcitrants et étourdis. En effet, le lundi matin, M. Po. scandait en cadence sa déclinaison du jour, en frappant de sa règle en métal sur les ongles de ceux qui n'avaient rien foutu pendant le week-end et clôturait la séance en accrochant ces garçons au porte-manteau du couloir de la classe, par les bretelles, donnant tout son sens à l'énigmatique expression: se faire remonter les bretelles, que nous ne portions pas, nous les filles. C'était de "L'INITIATION" dans toute sa splendeur.......reste encore à présiser à quoi!
Inutile d'ajouter que cette violence pédagogique décalquait sur celle des élèves entre eux faisant naître ces premières "luttes de classe". Les timides et les effronté(e)s, les petits et les grands, les filles et les garçons, les bons, les brutes et les truands, un micro-cosmos dans lequel il fallait défendre son droit d'exister, becs et ongles, dents et poings, ruses et stratégies aidant....
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